Introduction
***

L’air rouge et compact entre dans ses poumons

avec ce détestable goût d’eau stagnante.
Le métal, d’un bleu glacier
aux inquiétants reliefs turquoises,
glisse sous ses doigts paniqués.
.La musique assourdissante, opaque et visqueuse,
s’insinue dans chacune de ses terminaisons.
La peur, saillante et tentaculaire,
bat le sang au creux de ses tempes.
L’odeur de salpêtre vert-de-gris se mêle à celle,
sournoise, d’ambre cireuse.
La porte inconnue s’ouvre. Il est là, tel une ombre.
Spectateur, maître, abject.
Ses lèvres, à la finesse masculine dérangeante,
 s’articulent avec perversité pour prononcer l’indicible.
L’insupportable.
Cinq lettres sifflées en dégradé d’ocre
qui glacent et figent sa mémoire.
« Viens... »

Le grain de diable dans le rouage.


***
 
 

 

Chapitre 25 : Sombres aveux
[…]
"Ce fut le jeudi suivant. Le jour des saints Innocents, comme la vie est cynique.
La veille, Falineau s’était arrangé pour croiser Bournezeau et lui avait proposé, comme souvent,  de l’accompagner à la chasse. L’autre avait accepté d’une mine réjouie de charcutier qui venait d’égorger un cochon. Falineau n’en avait pas fermé l’œil de la nuit. Le lendemain, ils avaient marché un bon quart d’heure et quand Claude avait jugé qu’ils s’étaient suffisamment enfoncés dans les bois, il avait mis en joue l’homme d’église.
Il l’a fait mettre à genoux sur le tapis de feuilles encore gelées et l’a fait avouer. Ce serait mentir que de dire qu’il n’a pas éprouvé un certain plaisir à la lecture de l’angoisse morbide sur le visage gras. Ce plaisir délictueux de la vengeance qui n’appartient qu’aux hommes. Il a savouré les tressaillements de son menton pointu, les distorsions grotesques de sa bouche qui suppliait, ses larmes de repentance. Il a songé à son fils qui, lui aussi, avait dû connaître la peur, l’impuissance et la fatalité. A cette pensée, Falineau n’a plus été seulement ce père meurtri dans sa chair et dans son âme, mais un être tout puissant, investi d’une mission punitive. Sanguinaire. A la frontière de la barbarie. A coups de crosse anglaise dans les testicules, il l’a forcé à parler, à raconter, à se déverser en détails jusqu’à l’inaudible. A quatre pattes sur le sol, le pantalon souillé, il l’a regardé implorer le pardon. Falineau l’a obligé à marcher ainsi, telle la bête difforme qu’il était. Et quand le spectacle et les aveux lui ont porté au cœur, il lui a ordonné de se relever et de courir à travers bois sans se retourner. Bournezeau a hésité. Etait-ce son heure ou son salut ? Dans un sursaut de survie, il s’est mis à courir en conjurant le ciel. Sans se retourner.
Claude, 38 ans, charpentier, marié depuis 16 ans à Angélique, père de Nolwenn, Elsa et Loïc a armé son Darne[1] calibre 12, a visé sa proie qui trébuchait sur les branches mortes puis a appuyé en toute conscience sur les queues de détente. Deux gerbes de chevrotines sont sorties des canons rutilants et la multitude de plombs est allée se nicher dans les poumons, les reins et la moelle épinière du prêtre. L’homme, à seulement huit mètres, est tombé à terre dans un râle animal qui a empli le chasseur de satisfaction.
Falineau l’a regardé agoniser jusqu’à ce que l’hémorragie ait raison de lui et qu’un filet de sang vienne border sa bouche libidineuse. Puis il a vomi."

 


[1] Marque de fusil de chasse Stéphanoise de notoriété mondiale.

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